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Né dans le Paris d’après-guerre et éduqué en Angleterre, Chaimowicz occupe une position singulière, à l’intersection de deux champs artistiques, de deux cultures et de deux langues. À l’image de l’artiste lui-même, l’œuvre, raffinée, ludique, échappe à toute catégorisation simpliste, exigeant une attention aux détails tout en se révélant généreuse, imprégnée de beauté. Opposé aux revendications d’une autonomie de l’art, Chaimowicz se tourne vers les arts décoratifs. Il compose depuis cinquante ans un lexique éminemment personnel, puisant dans le design, la peinture, la gravure, le collage et sa propre vie quotidienne. Son œuvre, d’importance majeure, continue à influencer de jeunes artistes, notamment par son questionnement – constant et subtil – du rôle de l’art, et son instauration d’une esthétique queer.

La lumière joue un rôle essentiel dans l’exposition de Chaimowicz. Son titre - Nuit américaine - désigne d’ailleurs la technique cinématographique permettant de filmer une scène de nuit en plein jour, et devient ici une métaphore, révélant la vraie vie passée au filtre de l’art.

L’exposition rassemble l’une de ses premières installations et deux corpus plus récents :

Celebration? Realife Revisited (1972-2000) est un environnement post-Pop éparpillé qui - comme l'a écrit le critique Tom Holert - doit autant au glam rock qu'à la pratique artistique. Comme le suggère son titre, cette installation immersive travaille à la fois sur l’apparat et sur l’ordinaire.

Son installation The Hayes Court Sitting Room (2023) transpose un fragment du sud de Londres à Bruxelles. Créée pour cette exposition, c’est l’évocation théâtrale d’une pièce dans laquelle Chaimowicz a rêvé, travaillé, discuté, correspondu (et bien d’autres choses encore) pendant plus de quatre décennies. Cette capsule temporelle est constituée notamment de papier peint fait main, de meubles conçus par l’artiste, de collections, disposées sur une table, d’objets à valeur sentimentale. Mais cette reconstitution offre une expérience subjective, fragmentée, éphémère, loin de la « muséification » statique et autoritaire typique des ateliers et logements d’artistes préservés.

Dear Zoë (Emma Bovary collages) (2020-2023) est une série de 40 collages, réalisés au cours des deux dernières années. Leur point de départ, c’est Madame Bovary, l’anti-héroïne du roman éponyme écrit par Gustave Flaubert en 1856 – un personnage enfermé par les conventions de son époque dans une existence étriquée, dont elle cherche à s’affranchir par le consumérisme, la séduction et les pouvoirs de l’imagination. Reprenant des fragments de magazines de mode, d’ouvrages littéraires et des reproductions d’œuvres d’autres artistes (souvent axées sur le domaine domestique, « féminin »), Chaimowicz relie les aspirations d’Emma Bovary à l’imagerie et aux désirs contemporains, aux expériences récentes de contraintes, d’isolement social et d’évasion.

Curatrice : Zoë Gray