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Christian Nyampeta - THE AFRICANS, A Radio Play in Three Acts (EN)

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28 03 2021 30 04 2021

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Une pièce radiophonique qui retrace une bataille entre individualisme, universalisme et collectivisme social. D'illustres personnalités d'hier et d'aujourd'hui se rencontrent au « Grand Stade de l'Après-Afrique » pour dialoguer sur « notre » avenir commun. La pièce sera diffusée en trois épisodes consécutifs.

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Christian Nyampeta Wiels Brussels
Christian Nyampeta, Self-Portrait As Christopher Okigbo

Avec THE AFRICANS, A Radio Play in Three Acts, Christian Nyampeta développe ce qu’il appelle une « structure audiosociale multiforme ». L’audiodrame retrace une bataille entre individualisme, universalisme et collectivisme social en reconstituant des scènes clés du The Trial of Christopher Okigbo (1971), roman écrit par le philosophe et romancier kenyan Ali A. Mazrui (1933- 2014).

Suite à un soudain accident de voiture, Hamisi se retrouve dans l’après-Afrique, où il est accueilli par deux personnages étrangement familiers : Salisha et son compagnon Abiranja. Alors qu’il tente de faire sens des coutumes, géographies et rites du monde de l’ici-après, il doit entreprendre sa propre initiation au cours d’un procès qui s’annonce épique. Hamisi est chargé de défendre la cause de Christopher Okigbo, jeune poète nigérian tombé sur le champ de bataille de la guerre du Biafra. Le Grand Stade de l’après-Afrique, aux proportions infiniment élastiques, est bondé de millions de spectateurs provenant de toutes parts. Tous attendent le verdict qui sera prononcé par les Sages du Jugement: le poète avait-il le droit de donner priorité à son engagement civique individuel plutôt qu’à son devoir universel en tant qu’artiste ?

Les personnages de cette nouvelle pièce reflètent la multitude de voix, de positions, de contradictions et de promesses qui découlent de la longue histoire du présent.

Avec : Phindile Dube, Prince Joshua Botongore, Moya Michael, Otobong Nkanga, Obi Okigbo et Mohamed Toukabri

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Sofia Dati & Helena Kritis - The Africans, A Radio Play in Three Acts est une adaptation du roman The Trial of Christopher Okigbo publié en 1971 et écrit par le défunt philosophe et écrivain politique Ali A. Mazrui. Comment avez-vous découvert ce roman ?

Christian Nyampeta - Je suis entré en contact avec le livre pour la première fois en 2012, à Londres, lors de discussions avec mon mentor et directeur de thèse, l'artiste Kodwo Eshun du Otolith Group (avec Anjalika Sagar). Nous avons mené des discussions mémorables sur l'histoire de la pensée, et en particulier sur la littérature « Afrofuturiste » et « Afropessimiste » d'écrivains africains non américains. Je me souviens avoir lu ce livre lors de mon premier voyage au Rwanda – où je ne m’étais pas rendu depuis 14 ans – et avoir été complètement choqué. J'ai le souvenir d'être assis dans le jardin de la maison où vivent maintenant mes parents. Je n’avais jamais été dans cette maison et, globalement, j'avais l'impression d'être dans « l'après-Afrique ». J'étais chez moi, sans vraiment être chez moi. J'étais là, à lire ce livre, et j'avais l'impression d'être moi-même sous procès pour être parti, et pour être un artiste aussi.

SD & HK - La pièce radiophonique soulève des questions sur le panafricanisme, le devoir civique et les lois universelles, ainsi que sur le rôle de l'artiste dans des contextes historiquement et politiquement chargés. Qu'est-ce qui vous a amené à déterrer ces récits aujourd'hui ?

CN - Le roman contient une idée à laquelle je retourne sans cesse : un poète décède, arrive dans l'après-Afrique et est soumis à un procès. Les débats qui s'ensuivent sont comme un réservoir pour les idées, questions et problématiques sur lesquelles je me penche depuis quelques temps. Dans l'ensemble, le roman sonde le rôle de l’artiste face à des exigences historiques pressantes.

Dans ce roman, l'artiste est Christopher Okigbo, le défunt poète nigérian. L'écrivain, Ali A. Mazrui, était lui-même kenyan. Ce saut d’un bout à l’autre du continent montre qu’une personne originaire du Nigéria a eu une influence durable sur les populations d'Afrique de l'Est. D'après ce que j'ai compris, cela est dû en partie au décès d'Okigbo sur le champ de bataille pendant la guerre du Biafra en 1967, un événement qui a marqué un tournant dans le cours des futurs panafricains.

« La radio a cette façon de connecter les isolations, elle permet aux œuvres culturelles de voyager et de circuler. »

La prose du roman est quelque peu datée et même parfois maladroite, mais ses thèmes plus larges restent très pertinents. Ils résonnent au-delà des frontières, des générations et aussi des cultures dans lesquelles s’ancre la spécificité du livre. Cet ouvrage a également une valeur très personnelle pour moi, non pas en termes biographiques, mais au vu de ma propre « sociographie » : il permet de répondre à des questions sensibles pour de nombreuses personnes travaillant dans les domaines de la culture en ce moment particulier de l'histoire. Au fil des ans, j’ai continué à retourner sur ce roman et à générer différents formats pour y répondre. D'une certaine manière, mes films se déroulent tous dans l'après-Afrique, comprise comme un espace-temps transitoire et dialogique qui rassemble des échos et des dimensions habituellement séparées par les limites physiques de la vie et de la mort, ou par des affiliations culturelles et politiques conflictuelles.

C’est aussi le cas de la pièce radiophonique, dans la mesure où elle s'inscrit dans une longue lignée de recherches artistiques guidées non pas par ma « subjectivité » mais plutôt par ma sociographie, puisque j'ai reçu l’enseignement de Kodwo Eshun qui, à son tour, a reçu celui de Sylvia Wynter.

SD & HK Ce que vous appelez le format radiophonique semble correspondre aux idées de collectivité, de conversation et de transmission qui sont très ancrées dans l'ensemble de votre pratique. Pouvez-vous expliquer votre choix de travailler avec ce médium ?

CN - Lorsque j'ai reçu cette invitation du WIELS à contribuer à Risquons-Tout avec une nouvelle production, j'étais déjà en dialogue avec Ntone Edjabe de Chimurenga, qui m'avait invité à réfléchir à une contribution « live » pour la bibliothèque de Chimurenga, qui devait convier la “Station spatiale panafricaine” à Paris. Inutile de dire qu'il y a eu des reports, mais la prochaine itération de la bibliothèque de Chimurenga à Paris se penche sur la vie et l'histoire des intellectuels noir.e.s en France, au-delà des influences américaines. J’avais l’idée de faire une pièce sur l'après-Afrique : un espace-temps peuplé de toutes les promesses et contradictions qui pourraient s’inscrire ou être décrites comme « africaines ». Edjabe connait bien sûr ces histoires. Chimurenga a déjà publié des documents provenant des archives d'Okigbo. Il a donc été très encourageant. En m’intéressant à l’après-Afrique, je voulais aborder le terrible fossé linguistique qui distingue l'anglais, le français et le portugais dans les études africainistes. Ce fossé n'est évidemment pas une essence de l'africanité mais une conséquence de son histoire marquée par la domination coloniale. De plus, le personnage principal, Hamisi, est un animateur de radio.

Et puis, une chose extraordinaire est arrivée : lors de la première réunion où j'ai annoncé ma proposition au WIELS, j'ai appris que Sofia Dati, membre de l'équipe de commissaires avec laquelle je travaillais, n'est autre que la petite-fille de Christopher Okigbo. C'était l'étincelle céleste. Ainsi, ce format radiophonique est un fuseau horaire qui fusionne des générations de changements subis par-delà les lignes trans-familiales, sur des étendues géographiques incommensurables, en un nouveau monde commun, tout en évitant les amalgames forcés.

Comme l'écrit Chinua Achebe dans une anthologie commémorant la vie d'Okigbo : « Comme toutes les personnes prises dans les mailles de la guerre moderne, nous sommes rapidement devenus des accros de la radio. Nous voulions entendre les dernières nouvelles du front. Nous voulions entendre quelles seraient les prochaines revendications des victoires du Nigéria, non seulement sur NBC Lagos, mais de manière encore plus extravagante sur Radio Kaduna. Nous avions besoin d'entendre ce que le reste du monde avait à dire de tout cela – BBC, Voice of America, la radio française, la radio camerounaise, la radio ghanéenne, la radio de toutes parts. »

Je me souviens moi-même de nombreux moments de radio ! L'un de ces moments était au plus fort de la misère au Rwanda, lorsque j'ai choisi d'écouter BBC World Service en ondes courtes. Cette voix super lointaine et étrangère qui, d'une certaine manière, rendait la vie supportable, m'empêchait d'être entraîné dans les profondeurs du désespoir, de la lassitude et de l'euphorie. La radio a cette façon de connecter les isolations, elle permet aux œuvres culturelles de voyager et de circuler. La radio n'est évidemment pas neutre. Sur ce point, il n’est pas nécessaire d’ajouter d’ultérieures explications sur la terrible histoire de la radio au Rwanda.

« D'une certaine manière, ma pièce radiophonique est aussi un procès du média lui-même. Mais c'est aussi une reconnaissance du fait que, à des moments décisifs de ma vie, la radio m'a offert une compagnie inestimable avec des voix et des idées qui auraient autrement été très difficiles à trouver. »

Mais sans faire une exception de cette radio-là en particulier, il faut voir tous les médias comme les moteurs de leur propre discours conspirationniste qui opère de manière intensive et affective. Comme le dirait Kodwo Eshun, c'est là que réside le problème des médias : les médias récompensent en fait des formes dangereuses de passion et se délectent à amplifier cette passion pernicieuse. Je vis actuellement aux États-Unis et je peux affirmer sans risque de me tromper que c'est la raison pour laquelle des médias comme Fox News, les talk-shows, etc. fonctionnent tous de manière isolée et s'isolent de toute critique, c'est-à-dire de tout dialogue. C'est aussi, bien sûr, la raison pour laquelle certaines chaînes de ce que l'on appelle les « médias libéraux » amplifient leurs propres discours quasi-fascistes auxquels ils prétendent s'opposer et qu'ils diffusent pourtant continuellement. Tous les médias, quelle que soit leur orientation ou leur tendance, sont des amplificateurs et, par conséquent, ceux qui sont derrière cette amplification, ceux qui peuvent contrôler l'intensité de la passion, triompheront. En fin de compte, les médias sont une question de volume ou, en d'autres termes, une question de qui se fera entendre le plus fort, et c'est là que la droite gagne souvent.

Donc, d'une certaine manière, ma pièce radiophonique est aussi un procès du média lui-même. Mais c'est aussi une reconnaissance du fait que, à des moments décisifs de ma vie, la radio m'a offert une compagnie inestimable avec des voix et des idées qui auraient autrement été très difficiles à trouver. C’est une modeste contribution à cet héritage. J'adorerais qu'une personne d'Afrique de l'Est soit exposée à ces voix, ou une personne de Lagos ou d'Accra ou de leur périphérie, ou une personne de New York ; une personne de n'importe où, en fait. Cette mobilité, cette affiliation m'ont motivé à réaliser une œuvre qui puisse exister au-delà des frontières, et à envisager cette existence non pas comme la documentation d'une œuvre qui ne prospère que dans une galerie. Au contraire, sa mobilité est intentionnelle et son caractère éthéré est constitutif de l'œuvre elle-même.

SD & HK La pièce a été développée grâce à un processus de travail collaboratif, impliquant d'autres écrivains, artistes et penseurs dans une « salle d'écriture » et dans la distribution des rôles. Pouvez-vous décrire ce processus et son impact sur l'œuvre ?

CN - La pièce radiophonique soulève d'énormes questions qui ne peuvent être abordées qu'en compagnie d'autres personnes et en formant des communautés de pratiques. J'aime les œuvres qui ne sont pas tant "référentielles" que « compositionnelles », dans l'espoir que toutes les personnes impliquées partagent un sentiment d'égalité face aux enjeux de l'ensemble du processus. Bien sûr, j'ai eu l’ardue responsabilité de créer la pièce, mais il est clair qu'elle est basée sur un livre que je n'ai pas écrit, et sur des poèmes que je n'ai pas écrits. Ma pièce n'est donc qu'une modeste intervention dans une vaste histoire d'idées. Je voudrais vraiment souligner cette humilité et insister sur le fait que sans les efforts des autres, rien de tout cela ne pourrait exister.

New York City, Bruxelles, le 14 mars 2021

CRÉDITS

The Africans, A Radio Play in Three Acts

Une pièce radiophonique tirée du roman The Trial of Christopher Okigbo d’Ali A. Mazrui

Écriture et réalisation: Christian Nyampeta

Avec les voix de Phindile Dube, Prince Joshua Botongore, Moya Michael, Otobong Nkanga, Obi Okigbo et Mohamed Toukabri

Figurant invité : Appau Jnr Boakye-Yiadom

Compositions musicales originales de Julien Simbi

Production: Sofia Dati et Helena Kritis

Enregistrement son: Johan Vandermaelen

Stagiaires: Nathan Ishar et Sophia Attigui

Conseillers d’écriture: Shariffa Ali, Hannah Black, Rahima Gambo, Emmanuel Iduma, et Andros Zins-Browne

Sources additionelles incluent More Brilliant than the Sun: Adventures in Sonic Fiction par Kodwo Eshun et Women and the Nigeria-Biafra War: Reframing Gender and Conflict in Africa, édité par Gloria Chuku et Sussie U. Aham-Okoro

Pièce réalisée sur commission du WIELS Centre d’Art Contemporain dans le cadre de l’exposition « Risquons-Tout » (2020), dont les commissaires sont Dirk Snauwaert, Zoë Gray, Devrim Bayar, Helena Kritis et Sofia Dati.

Co-commissionnée par Ntone Edjabe à Chimurenga Panafrican Space Station.

Avec le soutien spécial du Gouvernement Flamand, Mondriaan Fonds, Africalia et l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas

Remerciements à: Lisa Akinyi May, Mai Abu ELDahab, Laïla Bouquet, Eric Cyuzuzo, Benoit De Wael, Mariama Errami, Elisabeth Severino Fernandes, Mwanza Goutier, Zen Jefferson, Emma Kamau, Lissa Kinnaer, Nicole Bongo Letuppe, Adams Mensah, Kristin Rogghe, Oussama Tabti, Cees Vossen, Mary Wang et Xiaoyu Weng.

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